© Jean Louis CHATELAIN - 29 août 2018
     
   
La première qualif 320 chez Air France fut la première qualif 320 au monde !

En 1988, Air France s’était trouvée compagnie de lancement de l’A320, avec Air Inter.

     
   
 
Cette toute première qualif au monde fut donnée à des pilotes d’Air France chez Aeroformation (qui est devenu Airbus Training) à Toulouse.

Le « roll-out » du prototype avait eu lieu en grande pompe le 14 février 1987, avec le parrainage du prince Charles et de la princesse Diana. Le premier vol d’essai avait eu lieu le 22 février de la même année sous l’autorité de Pierre Baud. Nous étions en décembre 1987, l’A320 n’était pas encore certifié et nous étions un groupe de CDB venant du B737200, promus futurs instructeurs sur A320, et commencions cette première qualif mondiale.

L’entraînement (phase CBT et Simu) commença alors qu’Aeroformation était en train de réceptionner ses simulateurs. Nous avons évidemment essuyé les plâtres. Les simus FBS connaissaient de nombreuses pannes, et il a fallu s’en arranger.

Cette qualif était un immense saut dans la nouveauté.
     
   
Imaginez que nous découvrions d’un seul coup, et tout en vrac, le « glass cockpit », le FMS (sans le GPS, mais avec les dérives de carte !), le mini manche (et la non coordination des mini manches), les commandes de vol électriques, la loi C*, l’autotrim en pilotage manuel, l’Autothrust avec les manettes fixes, des modes de guidage sophistiqués (« managés » avec diverses reversions, le mode TRK/FPA etc.), les protections du domaine de vol, l’autotuning des moyens radio, le sens des couleurs sur l’EIS et l’ECAM, un avion qui parle beaucoup, le traitement de pannes à travers l’ECAM, les communications via les RMP, le contrôle des moteurs par FADEC, une liste d’acronymes à coucher dehors… Rien que ça !

…Il y eu évidemment beaucoup d’apprentissage par l’erreur !

Ce fut ce que l’on appelle à juste titre un changement systémique dans le macro système aéronautique, comme le fut l’arrivée des jets venus remplacer les avions conventionnels.

Nous sommes partis vers Toulouse avec un brouillon de manuel TU d’Air France, pour partie rédigé de manière manuscrite. Aeroformation nous a par ailleurs fourni sa première version du FCOM A320. Il y avait beaucoup de TBD dans tout ça !

S’agissant de la première qualif sur cet avion, l’A320111, tant les procédures que le programme d’entraînement avaient été imaginés et rédigés sur un travail d’expert, mais étaient en phase de maturation. C’est la fameuse « learning phase » que l’on retrouve dans toutes les mises en ligne de nouveaux équipements, qu’ils fussent de nouveaux types d’avions ou de nouveaux systèmes (comme le EGPWS, le TCAS, le CPDLC etc.).

Autant dire qu’il fallait une bonne dose d’enthousiasme professionnel, et surtout une belle adaptabilité.

Sur cette nouvelle génération d’avions, il n’y a plus beaucoup de liens par câbles… Nous avons découvert que la position d’une manette ou d’un interrupteur ne représentait plus l’état d’un système, et qu’il fallait vérifier cet état en bout de chaîne de traitement par les logiques informatiques : Exemple, manette de frein de Park sur ON, vérification exclusivement sur le manomètre de freins ; Autre exemple, Engine Master sur OFF, vérification de la coupure du réacteur par lecture du Fuel Flow. C’était vraiment nouveau, et nous l’avons appris, parfois à nos dépens, comme pour ces deux exemples qui correspondent à des anomalies vécues.

La certification de l’A320 111 fut délivrée le 26 février 1988, soit un an après le premier vol.
     
   
     
   
L’A320 111 ne fut construit qu’en 20 exemplaires. Il ne possédait pas de winglets, ni de réservoir central.

Le 29 mars 1988 fut le grand jour du vol hors ligne, à Toulouse-Blagnac, sur l’A320 111 immatriculé FGFKA (« ville de Paris », MSN005).

Licence tamponnée dès le 30 mars 1988 (trop fier !)

Le 8 avril nous avons fait l’entraînement hors ligne, pour instructeurs, à Montpellier.

La mise en service chez AFR eut lieu le 18 avril 1988 sur le parcours Paris (CDG), Düsseldorf, Berlin (Tegel) et retour.

C’était avant la chute du Mur et le corridor de Berlin était encore en service. Le niveau maxi dans le corridor était le niveau 100 !
     
   
     
   
Mon premier vol en ligne eu lieu le 19 avril. Mon instructeur avait, comme expérience antérieure à la mienne, quelques étapes de plus sur l’avion! J’ai été lâché en ligne le 27 avril. Et j’ai commencé les vols comme instructeur en ligne le 2 mai, avec une expérience de seulement 16 étapes, qui plus est réalisées en binôme.

Air France fête les 30 ans de son exploitation des A320. Plus de 8000 Airbus de la famille A320 volent aujourd’hui de par le monde. Le nombre des commandes dépasse les 14000.

Après tant d’années, il me reste l’impression d’avoir vécu une expérience presqu’onirique, tant ce qui était exceptionnel se trouve aujourd’hui tellement répandu.

Et même si une qualification reste une étape professionnelle importante, un petit défi, toutes ces années d’instruction et de retour d’expérience auront permis l’amélioration et la maturation de l’instruction et des procédures, et auront facilité tant soit peu l’acquisition du savoir-faire, et aussi du savoir-être, sur cet avion qui aura marqué l’histoire du transport aérien.
     
 
   
 
     
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